En dépit du temps qui s’est écoulé, il y a un entraînement de football que Sebastian Clovis n’oubliera jamais.
En 1992, il s’est joint à l’équipe de football de ligue mineure Scarborough Thunder, une toute nouvelle équipe qui existait depuis seulement un an.
À l’époque, la saison se déroulait jusqu’à la fin de l’automne, ce qui fait qu’il y avait des soirées très fraîches. Mais de toutes ces séances d’entraînements très physiques, une s’est avérée particulièrement intense.
Une soirée suivant une chute de neige, l’équipe était incapable de voir le terrain, qui était recouvert de gadoue et de flaques d’eau glacée.
Les joueurs ont fait ce qu’ils ont pu pour rester au sec, incluant porter des sacs de plastique sous leurs crampons. Mais ceux qui espéraient que l’entraînement serait de courte durée ont été déçus avec un entraîneur déterminé à tirer le maximum de ses joueurs.
« L’entraînement était presque terminé. Mais au lieu de nous demander de faire nos exercices de course habituels, l’entraîneur a trouvé la flaque de gadoue la plus profonde sur le terrain, il a sifflé et nous a demandé de faire des plaqués en plein milieu », explique-t-il en se rappelant le choc sur le visage de ses coéquipiers.
« Nous avions tous peur de tomber dans l’eau glacée, mais personne ne voulait se montrer faible, alors nous avons pris notre courage à deux mains et nous l’avons fait. Ce fut un exercice incroyablement intense, mais nous avons réussi et, à la fin, nous étions trempés de la tête aux pieds, nous étions gelés, et personne ne sentait son corps. »
« Lorsque nous avons terminé l’entraînement, j’ai enlevé mes épaulettes et mon maillot trempés et je suis resté debout en observant le terrain par ce temps glacial et je me rappelle avoir éprouvé un sentiment d’invincibilité. »
S’entraîner dans des conditions aussi extrêmes allait sans contredit avoir un impact considérable sur Sebastian et ses coéquipiers, à court et à long terme.
« Cette journée n’a pas fait le bonheur de certains de nos parents, mais elle nous a rendus plus forts. Elle nous a renforcés tant physiquement que mentalement. Lors de notre match la semaine suivante, je pourrais dire que nous avons anéanti l’équipe adverse, mais je dirai plutôt que nous n’en avons fait qu’une bouchée. »
Avançons d’un peu plus d’une décennie et Sebastian ainsi que trois autres joueurs de cette équipe évoluent pour les équipes participant à la finale de la Coupe Grey 2006. La résilience présente dans cette équipe de Scarborough a permis à certains de ses joueurs de prendre part pour la première fois à l’événement le plus important dans l’histoire du football canadien.
Sebastian est certain que c’est la force mentale transmise par les entraîneurs qui a permis aux joueurs de connaître du succès, et ce, même avec les ressources limitées de l’équipe.
« L’équipe était nouvelle et nous n’avions pas grand-chose. Nous avions à peine quelques cônes pour nos exercices », raconte-t-il, soulignant que les succès de l’équipe ont été possibles grâce à l’intensité et à la capacité des entraîneurs à faire beaucoup avec peu.
Maintenant entraîneur de l’équipe du Thunder, Sebastian travaille pour transmettre cette force physique et mentale à l’équipe, tout en contribuant à fournir l’équipement que lui et ses coéquipiers n’ont pas eu. C’est ce qui l’a motivé à fabriquer des traîneaux de poids à l’arrière de son Toyota Tacoma.
« Je sais à quel point j’aurais été heureux si nous avions eu des traîneaux de poids quand j’étais jeune. Nous nous serions bagarrés pour avoir la chance de les utiliser. Nous croyions que seuls les meilleurs joueurs au monde avaient la chance d’utiliser ce genre d’équipement. »
Le Tacoma a été essentiel pour permettre de fournir les traîneaux à l’équipe. Sebastian a pris des rebuts de bois dans l’un de ses sites de rénovations et, en utilisant la prise électrique de la caisse du camion, il a pu les fabriquer sur l’impulsion du moment.
« Au lieu de me débarrasser du bois de rebut, j’ai décidé de l’utiliser. Alors, j’en ai mis dans la caisse du camion, j’ai conduit jusqu’au terrain et j’ai fabriqué les traîneaux directement dans le parc de stationnement », dit-il.
« Le Tacoma a la capacité de se transformer en banc de travail. Il comprend une prise dans la caisse qui m’a permis de faire fonctionner ma ponceuse et de veiller à ce que les patins au bas du traîneau soient bien lisses, car je ne voulais pas qu’ils déchirent la surface synthétique du terrain. »
Non seulement les traîneaux ont-ils été très bien accueillis par l’équipe à l’entraînement, mais ils ont aussi une valeur symbolique pour les jeunes joueurs, comme pour Sebastian.
« J’espère pouvoir être un exemple pour les jeunes, pour qu’ils comprennent qu’il existe plusieurs façons de réussir et qu’avec un peu d’ingéniosité et d’efforts, on peut tout accomplir. C’est une leçon qui s’applique tant sur le terrain qu’en dehors », dit-il.
« Les jeunes savent que je vis ma vie comme une aventure. Je cherche constamment un nouveau défi, la prochaine montagne à gravir. Je cherche constamment une nouvelle expérience qui me permet de m’améliorer, moi et ma communauté. Quand ils me voient arriver à bord de mon Tacoma, ils savent donc qu’il va y avoir de l’action! »